La Presqu’île de Guérande est une région autrefois isolée du continent par les marais et l’océan. Cet ancien golfe maritime qui s’est ensablé il y a des milliers d’années abrite une belle cité médiévale, des salines, des marais immenses, et des stations balnéaires bien connues (La Baule, Le Croisic et La Turballe).
Allons à la découverte cette région, c’est parti, hop en route ! 🙂
La cité médiévale de Guérande
À 16km à l’ouest de Saint-Nazaire, se trouve Guérande, au milieu de la presqu’ile qui porte son nom. Cette ville médiévale fortifiée a bénéficié d’une situation privilégiée entre océan et marais de Brière, bocages et marais salants. Son histoire remonterait au VIe siècle quand des bretons se seraient installés autour d’un sanctuaire contenant les reliques de Saint Aubin. Il s’ensuit une longue période de troubles avec les invasions vikings et les affrontements entre Francs, Bretons et Normands. Les premiers marais salants de Guérande apparaissent et favorisent le développement et la croissance de la petite cité. Au XIIIe siècle, les revenus du domaine de Guérande sont d’ailleurs supérieurs à ceux de Nantes! Lors de la Guerre de Succession en Bretagne (une des guerres annexes de la Guerre de Cent Ans), c’est ici que sera signé le traité mettant fin au conflit en 1365. Au XIV-XVe siècle c’est l’âge d’or de Guérande qui est alors une cité prospère 🙂
C’est une des rares cités médiévales de France a avoir conservé l’intégralité de ses remparts! Ils mesurent 1434m de long (plus longs qu’à Carcassonne) et sont encore dans un très bon état de conservation 🙂
Ils ont pourtant faillit disparaitre, et ce n’était pas à cause d’une guerre… Au XIXe siècle, la petite ville doit se moderniser, on veut construire des routes et des boulevards. Les remparts sont comme un frein au développement alors on projette de les détruire. Face à l’opposition générale et à la mobilisation de la population, la municipalité fait le choix en 1853 des les conserver. Ils sont ensuite classés Monuments Historiques en 1877.
On peut donc encore admirer les impressionnantes murailles le long du boulevard qui fait le tour de la cité médiévale. Des douves sont toujours présentes sur une portion de l’enceinte!
Les remparts comptent 6 tours et 4 portes fortifiées. L’entrée principale de la ville, c’est la Porte Saint-Michel à l’est. Erigée au XIVe siècle, avec ses 24m de haut, c’est le symbole de la puissance de Guérande.
Les charmantes petites ruelles à l’intérieur de la cité conduisent immanquablement sur la place où se dresse la Collégiale Saint-Aubin. C’est là où Guérande est née. L’église abrite des reliques de Saint Aubin, un évêque d’Angers ayant vécu au Ve siècle. Il était sévère mais populaire. On lui a attribué quelques miracles et c’est le saint patron des boulangers. En 919, la cité est assiégé par les vikings. Une apparition miraculeuse se produit sous la forme d’un chevalier blanc lumineux. On y reconnait l’ancien évêque et il permettra de mettre les vikings en déroute. Merci Saint Aubin!
Pour vous replonger un peu dans l’ambiance (mais sans le côté guerrier et sanglant), une fête médiévale est organisée à Guérande chaque été 🙂
Au fait Guérande, c’est breton ou pas ? On peut se poser la question! Officiellement, ou plutôt administrativement parlant, Guérande fait partie du département de la Loire Atlantique, faisant partie de la région des Pays de Loire et dépendant donc de Nantes. Malgré tout, la petite cité se revendique bretonne et tient à conserver son patrimoine et ses traditions. Depuis 2002, elle déclare faire partie de Bretagne Plein Sud, pour refuser de s’appeler Pays de la Loire 😉
C’est une charmante petite ville pleine de charme qui mérite une visite!
Les marais salants et le sel de Guérande
Quand on entent le nom Guérande, on pense immédiatement au célèbre sel de Guérande 🙂 On a retrouvé quelques traces antiques de production de sel dans la région. La méthode était différente. On utilisait des récipients (des augets), on y versait de la saumure et on faisait chauffer le tout dans un four. Après évaporation, on produisait des « pains de sel » qui pouvaient être exportés sur de grandes distances. Alors que la technique des salines était connue des romains, elle n’apparait à Guérande que vers le VIe siècle. Les prés salés sont alors aménagés pour devenir des marais salants ou salines.
Lors d’une grande marée, le paludier ouvre une trappe qui permet à l’eau de mer de rentrer loin dans les terres grâce à un système de canaux. L’eau remplir un grand bassin, la vasière. La concentration de sel est alors de 25 g/L. La vasière sert à décanter l’eau de mer et à alimenter différents bassins d’évaporations avant d’arriver finalement dans les œillets de la saline. Sous l’action du vent et du soleil, une évaporation naturelle se produit, l’eau atteint une concentration en sel de 280 g/L et la cristallisation du sel commence. Le paludier peut alors récolter le sel, principalement en été. Avec un las, une sorte de gros râteau, il gratte le fond argileux de l’œillet pour récupérer le gros sel. C’est pour cette raison que ce sel a une couleur grise. Avec une lousse, une sorte de passoire, le paludier récolte la fleur de sel à la surface de l’eau. Sa couleur est blanche. Un paludier gère de 50 à 60 œillets sur sa saline, et produit par an environ 60-90 tonnes de gros sel et 2-3 tonnes de fleur sel. Le reste de l’année, il entretient ses salines, les protège des grandes marées et des gelées hivernales. Il doit aussi retirer la vase et les algues de la vasière et purger les bassins des eaux de pluie au printemps. Voilà, maintenant vous savez tout sur la production du sel 😉
À Guérande, tout le sel marin est récolté manuellement. La production est d’environ 10.000 tonnes de sel par an. C’est bien inférieur à la production qu’on peut retrouver dans les salines industrielles de la côte méditerranéenne. Ce sel de Guérande bénéficie d’un gage de qualité validé par un label rouge et une IGP (indication géographique protégée). Le sel est naturel, non raffiné, non lavé et n’est pas enrichi artificiellement en iode. Bref, c’est du bon! 🙂
Les marais salants de Guérande sont répartis en deux zones principales : les Marais Salants de Guérande et les Marais Salants du Mès, plus petits. Pour rappel, les salines sont la propriété privée des paludiers et il n’est donc pas autorisé de s’y promener sans autorisation. La façon la plus adaptée pour découvrir cet univers fascinant c’est la balade à vélo sur les pistes cyclables aménagées entre les salines. Pour des visites guidées au cœur des marais salants, vous pouvez vous rendre à Terre de Sel ou à la Maison des Paludiers (18 Rue des Prés Garniers, 44350 Guérande). Enfin, il y a un chouette petit Musée des Marais Salants à Batz-sur-Mer 🙂
Aussi incroyable que ça puisse paraitre, tout ce patrimoine et cet environnement unique a bien faillit disparaitre dans les années 1960! À l’époque, il y a un énoooorme projet pour agrandir la station balnéaire de La Baule. On envisage de détruire les marais salants de Guérande pour en faire une grande marina et y construire des d’hôtels et des routes! Heureusement, ce projet n’aboutira jamais et maintenant le sel de Guérande fait la fierté et la renommée de la région 🙂
Les marais de Brière
À l’Est de la presqu’ile de Guérande, il y a un lieu mystérieux et incroyable : les marais de Brière! (aussi appelé la Grande Brière Mottière). Avec une superficie de 70km², c’est le 2e plus grand marais de France après ceux de la Camargue. Il y a des milliers d’années, toute cette zone était un golfe marin parsemé d’îles avant qu’une bande de terre apparaisse et coupe le golfe de la mer. Une grande forêt se met alors à pousser. Des siècles et des siècles plus tard, la rivière Brivet commence à se déverser et remplir le bassin. Les arbres meurent et se couchent. Le sol devient de la tourbe, c’est l’apparition de l’immense marais de Brière.
Malgré cet environnement inamical, l’homme s’y implante et créé des habitations sur les restes d’îles calcaires du golfe primitif. Les briérons deviennent les habitants des marais. Ils ont toujours vécu dans un relatif isolement. Les mariages se faisaient traditionnellement entre iliens (et de préférence sans mélanger les iles). Ils n’ont jamais vraiment parlé le breton mais un patois local. Un peu à l’écart des grands bouleversements de l’histoire de France, ils vivaient presque en autarcie, de la chasse aux canards et aux oies, de la pêche aux anguilles, du pâturage et du commerce de la tourbe le long de la Loire. Ils étaient tellement à l’écart qu’on les traitait avec mépris. Une sorte de racisme même parfois, en les traitant de sauvages et d’arriérés. De leur côté, les briérons rejetaient les ingérences du monde extérieur et jouissaient de la gestion de leur marais en totale autonomie. Cet univers a faillit disparaitre au XIXe siècle quand l’état a souhaité assécher les marais. Face à l’hostilité farouche des habitants et aux émeutes, les marais ont survécus, et les briérons ont pu continuer d’exploiter leur or noir : la tourbe du marais.
Les briérons vivent à Saint-Joachim et ses 7 îles. Le bourg principal est sur la plus grande des iles, Pendille.
Un village typique du marais de Brière, c’est une petite île entourée d’un canal circulaire, appelé la curée. Le long de ce canal sont amarrés les chalands, des barques à fond plat servant à naviguer dans le marais. C’était d’ailleurs la seule façon de se déplacer dans la région avant l’arrivée des premières routes au XIXe siècle! Sur l’île, on retrouve une rue principale (circulaire aussi) et au centre une zone réservée pour la culture. Les habitations traditionnelles sont des chaumières avec une toiture en joncs et roseaux. Il y en a plus de 3000 dans les marais.
Ici, quelques vues avec l’île de Fedrun et la minuscule île de Mazin.
Cette région sortira de son relatif anonymat grâce au livre d’Alphonse de Châteaubriant « La Brière », publié en 1923. C’est un succès en librairie et les français (re)découvrent l’intérêt de cette vaste zone naturelle 🙂
Sans intervention de l’homme le marais continuerait de s’enliser. Les habitants empêchent les roselières de couvrir les plans d’eau, et retirent la tourbe et la vase des canaux. Durant ces travaux d’entretien et d’exploitation, on retrouve parfois des vestiges de la forêt ancestrale qui existait avant l’existence du marais. Les antiques troncs d’arbres sont conservés quasiment intacts dans les profondeurs du marais, à l’abri de la tourbe. Quand on tombe dessus par hasard, c’est comme un petit trésor. Ce bois s’appelle le Morta. Il y en a deux sortes : le Morta rouge issu du bouleau et le Morta noir issu du chêne. Le Morta noir est utilisé pour la charpenterie et la fabrication d’outils. Le Morta rouge est plus souple et plus beau. Il est d’avantage utilisé par des artistes pour des sculptures.
Encore une jolie petite vue de l’île de Brégun 🙂
En 1970, le Parc naturel régional de la Brière est créé. Depuis 2012, il abrite aussi une réserve naturelle protégée.
Pour découvrir ce monde mystérieux au plus près, des balades en chaland sont possibles à l’intérieur des canaux. Des guides vous tendrons la perche (hoho) principalement au petit port de Rozé à Saint-Malo-de-Guersac et à celui de la Chaussée Neuve à Saint-André des Eaux. Ces endroits plein de charmes offrent des activités touristiques pour s’immerger dans cette belle nature!
Personnellement, je trouve que la découverte du marais de la Brière et son histoire a vraiment été étonnante et inattendue, je recommande 🙂
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